2.

Lundi 7 janvier 1585, lendemain de l’Épiphanie

Philippe de Mornay, seigneur du Plessis, se leva pour faire quelques pas dans la pièce afin de calmer l’agitation qui l’avait envahi. Raviver ces souvenirs le faisait trop souffrir. Depuis la cour, on entendait des cliquetis d’armes retentir. Il s’approcha de l’embrasure de la fenêtre ogivale et jeta un regard vers l’extérieur. Il sourit en voyant sa fille adoptive et s’apaisa peu à peu. C’était elle qui s’entraînait malgré le froid et la neige qui couvrait Figeac.

Il leva les yeux vers le ciel de plomb. À travers les petits verres rouges et verts taillés en losange, on devinait qu’il neigerait encore, cette nuit.

En frissonnant, il se rapprocha du feu qui crépitait dans la cheminée. La grande salle occupait toute la façade du premier étage. Elle était presque vide. Les propriétaires – catholiques – avaient abandonné la maison depuis quelques temps quand son épouse, son personnel et ses trente hommes d’armes étaient arrivés, trois semaines plus tôt. Lui-même ne les avait rejoints que l’avant-veille. Depuis la mort du duc d’Alençon, il ne faisait que voyager et il était fatigué de cette vie d’errance et de dangers. Partout en France, les routes, les chemins, et les ponts appartenaient aux brigands et aux rançonneurs. Les périls étaient tels qu’il avait fait son testament pour ce dernier voyage qui l’avait une nouvelle fois conduit à Paris afin de rencontrer le roi. Sa femme n’était guère mieux lotie que lui. Depuis la naissance de leur fille Anne, Charlotte avait accouché de deux garçons mort-nés.

Ils payaient tous deux un rude prix à leur cause.

C’est que la mort du frère cadet du roi en juillet dernier avait tout changé[1]. Désormais Henri III était le dernier Valois, et il n’avait pas de descendance mâle. Selon la loi salique, le trône reviendrait au plus proche descendant de Saint Louis, c’est-à-dire à Henri de Bourbon, roi de Navarre. À peine la mort d’Alençon était-elle connue que l’Espagne avait demandé à négocier avec Navarre. C’est lui, Mornay, qui avait conduit les discussions. Les Espagnols proposaient de le reconnaître comme héritier de la couronne de France s’il leur laissait libre champ en Flandre. Pour preuve de sa bonne foi, le roi d’Espagne offrait cinquante mille écus, et en promettait six fois plus si Henri de Bourbon s’alliait avec lui contre le roi de France.

Cette dernière proposition avait outragé Philippe de Mornay. Sur son conseil, Navarre avait tout refusé et renvoyé les écus en déclarant au roi d’Espagne que, s’il arrivait qu’il cède en puissance, il ne le ferait jamais en conscience.

M. de Mornay s’était alors rendu à Lyon où se trouvait Henri III pour lui faire part de la décision de son maître. C’était en août, et le voyage n’avait été qu’une succession d’escarmouches et de brigandages contre sa troupe. Mais le déplacement avait été utile pour resserrer les liens entre les deux rois qui ne s’étaient plus rencontrés depuis neuf ans. Le Valois avait apprécié la fidélité de son beau-frère qui lui avait déclaré être sujet du roi de France et ne pouvoir donc être d’aucune autre ligue que la sienne.

Les deux hommes avaient la même conception de la royauté et de la grandeur du royaume.

Un peu plus tard à Montauban – une des quatre places de sûreté concédées aux protestants par le dernier traité de paix – s’était déroulée l’assemblée générale des églises de France durant laquelle les députés avaient dressé une liste de remontrances qu’ils faisaient au roi de France. Mornay, qui venait d’être nommé surintendant de la maison du roi de Navarre – une charge équivalente à celle de premier ministre –, avait été désigné pour les présenter à Henri III.

C’est que peu d’hommes à la cour du roi de Navarre possédaient son talent de diplomate et sa science. Calviniste inébranlable, M. de Mornay connaissait la Bible par cœur et parlait le latin et le grec, ainsi que d’autres langues telles que l’allemand, le flamand, l’anglais ou l’italien. Mais surtout, il était doué d’une rare habileté politique.

Il était donc parti à nouveau sur les routes, porteur des remontrances de l’assemblée protestante mais aussi d’une lettre du roi de Navarre dans laquelle celui-ci assurait à Henri III qu’il ne changerait pas de religion pour toutes les monarchies du monde.

Mornay était resté près de deux mois à Paris et, bien que ni la déclaration de Montauban ni la décision d’Henri de Navarre n’aient plu à Henri III, il avait obtenu une prolongation du droit des protestants à disposer de places de sûreté pendant encore deux ans.

Après six mois d’errances, Mornay était enfin de retour parmi les siens et, depuis deux jours, il en savourait toute la douceur. Il attendait maintenant la venue de Navarre. Il avait en effet été convenu qu’ils se retrouveraient à Figeac avec le baron de Rosny[2], l’autre principal conseiller d’Henri.

Mornay n’aimait pas Rosny qu’il jugeait opportuniste – n’avait-il pas un temps suivi cet avorton méprisant qu’était François d’Alençon ? – et bien qu’il logeât à quelques maisons de la sienne, il n’avait pas cherché à le rencontrer. Lui, il n’avait jamais varié. Même durant la Saint-Barthélemy, alors que même Henri de Navarre avait abjuré, il était resté fidèle à sa foi.

La Saint-Barthélemy ! Mornay soupira et revint vers la grande table de travail pour se saisir des feuillets qu’il avait noircis durant la matinée.

Depuis des années, Charlotte, sa chère épouse, le pressait pour qu’il écrive ses mémoires, comme elle le faisait elle-même chaque jour. Il lui opposait que le temps lui faisait défaut, que le service d’Henri de Navarre l’occupait trop et puis, qu’à trente-six ans, il avait bien le temps de le faire plus tard.

Mais cette fois, il n’avait pu échapper à son insistance, n’ayant d’autre occupation en attendant Navarre. Vaincu, il s’était attelé à la corvée.

Le passé lui était revenu par bribes, avec une oppressante nostalgie. Ses parents… ses études… comment, à peine à vingt ans passés, il était devenu le secrétaire de Coligny.

L’amiral de Coligny ! Un homme dur, ambitieux, impitoyable, mais qu’il admirait toujours. Il avait encore le cœur serré quand il songeait à sa mort tragique, d’autant qu’il savait que lui, Mornay, en était la cause, comme il était aussi à l’origine de cet effroyable massacre…

En ce mois d’août 1572, l’amiral était devenu le premier des ministres du roi Charles IX, qui l’appelait son père. Entre les catholiques et les protestants modérés, une authentique réconciliation semblait encore possible. À la fin du mois, le mariage d’Henri de Navarre avec Marguerite, la sœur du roi, allait définitivement sceller cette entente.

Mais quel meilleur ciment entre d’anciens ennemis que de se battre, ensemble, épaule contre épaule, contre un ennemi commun ? C’était l’idée de Philippe de Mornay : « Le remède contre les guerres civiles est d’employer la nation belliqueuse sur les terres d’autrui car peu de Français quittent leur épée quand ils l’ont une fois ceinte… »

Il se souvenait encore de cette terrible phrase qu’il avait lui-même écrite dans un mémoire destiné au roi !

Selon lui, la guerre étrangère aurait pris le pas sur la guerre civile, car les catholiques et les protestants se seraient mélangés dans une même armée. L’idée avait séduit Coligny qui cherchait des arguments pour libérer la Flandre du joug espagnol. L’amiral avait présenté son mémoire au conseil, et le roi l’avait approuvé.

Mais pas sa mère. Catherine de Médicis détestait la guerre et était trop prudente pour se lancer dans une aventure militaire contre l’Espagne. Elle avait vécu le sac de Rome et connaissait trop bien la puissance et la cruauté des troupes espagnoles. Catherine était certaine que si la France défiait Philippe II, celui-ci le ferait payer cher au royaume. À la guerre, elle préférait la négociation, les combinaisons, les promesses ou les mensonges. Elle avait conclu que le seul moyen d’éviter que la France soit ravagée par l’armée espagnole était de tuer le chef protestant et ses proches.

Elle avait rallié à son idée son fils aîné – le roi actuel – et Henri de Guise. Persuadé que l’amiral de Coligny avait armé le bras de Poltrot de Méré[3], l’assassin de son père, le prince lorrain avait été facile à convaincre.

Son cousin le duc d’Aumale avait fait venir à Paris un nommé Maurevert, qui avait déjà tenté de tuer l’amiral. Caché près de la maison de Coligny, le vendredi 22 août, quatre jours après le mariage de Navarre, celui-ci avait tiré à bout portant avec un mousquet sur le chef huguenot.

Le jour des noces d’Henri de Navarre, Philippe de Mornay aurait dû faire la fête comme tous ses amis. Pourtant, il se souvenait n’être guère sorti tant il éprouvait un profond malaise, peut-être dû à la chaleur, ou aux Parisiens haineux qui criaient à Notre-Dame : À la messe, les huguenots ! en s’adressant aux protestants restés hors de l’église.

Le conseil du roi ayant approuvé son idée d’envoyer une armée en Flandre, il avait obtenu un congé pour ramener sa mère chez eux, près de Senlis. Elle n’était venue que pour le mariage de Navarre et avait hâte de quitter Paris. Le vendredi, il se trouvait chez un ami quand un serviteur était venu lui dire que M. de Coligny venait d’être blessé par une arquebusade. « On a tué l’amiral ! On a meurtri notre père ! » répétait le messager en sanglotant.

Mornay s’était précipité rue de Béthisy où logeait le chef protestant. Il avait découvert la rue envahie par un millier de gentilshommes huguenots, pleurant, menaçant, agitant leurs épées pour venger leur chef.

Avec François Caudebec, son écuyer et ami, Philippe de Mornay logeait alors dans une auberge de la rue Saint-Jacques, le Compas d’Or. Ils avaient aussitôt cherché une chambre dans les environs pour participer à la défense de l’amiral. Mais toutes les auberges étaient pleines et bien qu’il eût trouvé un logis rue de Béthisy, ils avaient dû retourner dormir sur la rive gauche, car le logement ne pouvait être libre avant le lundi. Ce contretemps lui avait sauvé la vie.

Dans les rues, il avait été frappé par l’effervescence qui gagnait Paris. Les bourgeois étaient armés de piques et d’épieux à tous les carrefours, des prêtres, juchés sur des bornes, expliquaient que Dieu venait de frapper un ennemi de l’Église. Conscient que cette tentative d’assassinat allait rallumer les haines, Mornay s’était rendu chez sa mère pour la supplier de quitter aussitôt Paris avec Caudebec pour escorte.

En vain, elle avait insisté pour qu’il les accompagne : s’il y avait péril, lui avait-il répondu, il ne pouvait s’en exempter quand les gens de l’amiral restaient sur place.

Le samedi soir, après avoir veillé sur M. de Coligny toute la journée, il était revenu fort tard au Compas d’Or. Quelques heures plus tard, il avait été réveillé par le tocsin de Saint-Germain-l’Auxerrois et la cloche du Palais. Peu de temps après, un voisin de chambrée était venu lui dire qu’on tuait dans les rues. Il s’était levé pour rejoindre l’amiral, mais son aubergiste l’en avait dissuadé. Bien que catholique romain, c’était un homme de conscience. Il y avait des listes de proscription et on le cherchait, l’avait-il prévenu.

À cinq heures du matin, il avait brûlé ses papiers avant de monter se cacher sur les toits où il était resté tout le dimanche. Personne ne l’avait aperçu, mais lui avait tout vu et entendu. Bourgeois, gentilshommes, artisans, coupe-jarrets et pendards de la cour des miracles, tous une écharpe blanche nouée au bras gauche, parcouraient les rues, épées et couteaux en main en criant : « Tuez ! » ou encore : « Vive le roi ! » Quand ils découvraient quelque protestant, que ce soit un homme, une femme ou un vieillard, ils le perçaient de coups avec une joie meurtrière.

Mornay avait vu ces malheureux tendre des mains implorantes avant d’être dépouillés et pendus par les pieds, ou traînés à la rivière, la gorge coupée ou les entrailles pendantes. En quelques heures, la rue Saint-Jacques s’était transformée en un ruisseau de sang épais et gluant. Il avait aperçu des femmes enceintes, le ventre ouvert, des bourgeoises à qui on coupait les mains pour leur ravir un bracelet d’or. Avec effroi, il avait suivi des yeux un rôtisseur qui embrochait des nourrissons avec sa lardoire pour les montrer avec fierté à la populace en joie.

Plus tard dans la journée, sanglotant d’émotion, il avait été rejoint par un voisin de chambrée qui arrivait de Notre-Dame. Là-bas, lui avait dit son nouveau compagnon, toutes les maisons, autant celles des catholiques que celles des protestants, étaient mises à sac et leurs habitants jetés en Seine. Les femmes qui s’agrippaient aux arches étaient lapidées. Au Louvre même, tous les hôtes du roi, hommes et femmes, avaient été assassinés et leurs cadavres empilés dans la cour, dénudés, éventrés, mutilés, émasculés. Les filles d’honneur de l’escadron volant de la reine mère étaient venues les examiner en riant. Qu’étaient devenus l’amiral de Coligny, Henri de Navarre et le prince de Condé ? avait demandé Mornay. L’autre l’ignorait, mais craignait le pire.

Le soir, le cabaretier les fit rentrer et leur raconta la mort de l’amiral de Coligny et les événements qui avaient suivi, tels qu’un échevin de ses amis les lui avait rapportés.

— Dans la nuit, le roi a envoyé des détachements à pied et à cheval partout dans Paris. Il craignait que les protestants ne tentent de venger M. de Coligny, avait-il dit au prévôt des marchands. M. de Guise avait été chargé d’empêcher ces représailles. Avec une importante troupe, il s’est rendu au logis de l’amiral où bon nombre de gentilshommes huguenots se trouvaient encore. Il y a eu bataille, mais les gens de Coligny étaient trop peu nombreux, et seuls les Suisses de la garde du roi de Navarre ont opposé une véritable résistance avant d’être tués. Sur ordre du duc de Guise, M. de Coligny a été percé d’un coup d’épieu et son corps a été jeté par une fenêtre. Les assassins ont ensuite traîné son cadavre jusqu’au gibet de Montfaucon pour le pendre. D’autres en ont coupé des morceaux pour les manger…

Philippe de Mornay se souvenait avoir sangloté en apprenant cette horreur.

— Après, la tuerie s’est étendue à toute la ville. Sans doute avait-elle été préparée par des proches du roi et des Lorrains, car le tocsin de Saint-Germain-l’Auxerrois était le signal du massacre. On avait même marqué les portes des protestants d’une croix blanche et sur certaines on avait écrit : Ici on tue !

— Mais pourquoi… pourquoi ? avait murmuré Mornay. Pourquoi Dieu a-t-il permis ce massacre ?

— Le roi assure qu’il y a eu complot, monsieur. Que Coligny et ses amis voulaient l’assassiner. Il aurait juste pris les devants…

— C’est faux ! avait crié Mornay.

— Peut-être, monsieur… Et sans doute les gens du roi et de Guise n’avaient-ils pas prévu que la tuerie deviendrait une telle boucherie. Ceux qui haïssent les protestants sont devenus des bêtes sauvages. Dans ce quartier, des bandes de gueux et de clercs se sont attaquées aux libraires. Beaucoup ont été précipités du haut de leur maison dans des feux où flambaient leurs livres. Les femmes, souvent avec leurs enfants dont elles ne voulaient pas se séparer, ont été traînées vers la Seine, lardées de coups, et jetées dans le fleuve en si grand nombre que l’eau en était rouge. Maintenant, il n’y a plus de loi dans Paris. On ne tue plus pour la religion mais pour les pécunes et la picorée. Quiconque peut occire son ennemi en le déclarant calviniste. Un frère peut se débarrasser de son parent pour recueillir l’héritage. Par cupidité, par jalousie, ou par vengeance, tout est possible !

L’homme, un solide gaillard qui avait vu bien des misères, avait les larmes aux yeux.

— Il n’y a donc personne pour nous défendre ? Où sont le roi et ses Suisses ? Où est le duc d’Anjou qui est lieutenant général du royaume ?

— Anjou, avec quelques centaines d’hommes, a pris part à la curée, monsieur. C’est lui qui a ravagé le pont au Change et pillé toutes les boutiques des joailliers et des orfèvres. Quant au roi, je vous l’ai dit, il a ordonné lui-même qu’on tue tous les protestants !

Le lundi matin, la furie meurtrière avait continué. Son hôte était alors venu le prier de partir en lui disant qu’il ne pouvait plus le protéger, car les miliciens pillaient la maison de son voisin libraire, qu’ils venaient de tuer. Ils allaient arriver chez lui d’un instant à l’autre pour fouiller l’auberge.

— Croyez-vous que je pourrais sortir par la porte Saint-Jacques ? avait demandé Philippe de Mornay.

C’était la plus proche de l’auberge.

— Non, monsieur. Toutes les portes sont fermées par la garde bourgeoise. Si vous avez des amis dans Paris, essayez plutôt de vous réfugier chez eux.

Il avait endossé son plus simple habit noir et était sorti armé de son épée, avec une écharpe blanche à l’épaule, comme en portaient les assassins. Dans la rue, il y avait des cadavres partout, mais on l’avait ignoré, chacun étant occupé à piller. Il avait décidé d’aller rue Saint-Martin, chez un huissier de ses amis qui s’occupait des affaires de sa maison.

Il avait traversé la Seine, saisi d’horreur par les maisons saccagées avec des corps pendus aux fenêtres, par les femmes dénudées abandonnées sur les pavés, par les petits enfants écrasés à coups de pierre. En chemin il avait vu des atrocités inimaginables. Un marchand arrachait les oreilles d’une femme pour avoir les diamants de ses boucles. Dans l’île, un libraire brûlait au milieu de ses livres. Rue des Arcis, un homme avait jeté sa femme en pâture à une foule de crocheteurs pour s’en débarrasser. Elle avait été violentée, puis exterminée à coups de bâtons. Partout ce n’étaient que meurtres et tueries. Déjà des corbeaux se nourrissaient des cadavres, noircissant parfois entièrement les corps qu’ils recouvraient.

Au milieu de ces horreurs, il n’était jamais intervenu. Par lâcheté, sans doute, par impuissance surtout. Il avait croisé une bande d’enfants de dix ans qui jouait à la balle avec une tête de nourrisson, puis des hommes ivres qui détroussaient des cadavres. À son arrivée, rue Saint-Martin, l’huissier l’avait fait passer pour un clerc en l’installant dans son étude. Alors qu’il se croyait enfin en sécurité, un domestique l’avait dénoncé au capitaine du guet.

Il était pourtant parvenu à s’enfuir par le jardin avec l’aide d’un clerc qui lui avait assuré pouvoir le faire sortir par la porte Saint-Martin où il était connu pour y être souvent de garde. Le malheur avait voulu qu’elle soit fermée et ils avaient dû se rendre jusqu’à la porte Saint-Denis, où le clerc ne connaissait personne. Pourtant, après qu’ils eurent juré être clercs d’un procureur de Rouen, on les avait laissés sortir. Mais, dans la précipitation du départ, son guide n’avait pas mis ses chaussures et ne portait que des sortes de pantoufles. Après un temps de réflexion, un garde avait jugé qu’ils ne pouvaient aller à Rouen ainsi et il avait envoyé des arquebusiers pour les rattraper.

Alertés par les cris des poursuivants, ils s’étaient mis à courir et ils avaient attiré l’attention de quelques cabaretiers du faubourg ainsi que d’ouvriers des plâtrières. Ils avaient été rattrapés et on les avait traînés vers la rivière pour les noyer. Le clerc – béni soit-il – avait juré qu’ils n’étaient point huguenots et que leur procureur était connu à Paris, qu’il pouvait témoigner pour eux.

Par chance, ils n’étaient pas tombés sur de vulgaires assassins mais sur de vrais catholiques soucieux seulement d’extirper ce qu’ils condamnaient comme une hérésie. Persuadés qu’un calviniste ne pouvait connaître les textes saints, ils avaient fait apporter un bréviaire pour voir s’il entendait le latin. Presque convaincus après la lecture, ils avaient accepté que le clerc écrive une lettre à son maître. Quelqu’un l’avait portée à Paris et, ayant obtenu le soir une réponse écrite assurant qu’ils n’étaient ni rebelles ni séditieux, ils avaient été libérés.

C’est à ce moment qu’il avait appris, avec une immense tristesse, qu’Henri de Navarre avait abjuré.

Le cœur serré, Philippe de Mornay avait pris à pied le chemin de Saint-Denis jusqu’à Chantilly.

Là-bas, M. de Montmorency lui avait donné un cheval pour rentrer chez les siens. Il avait eu du mal à retrouver sa mère et ses gens qui s’étaient réfugiés dans la maison d’un gentilhomme voisin, car les massacres avaient gagné les campagnes et toute sa famille s’était dispersée. Avec Caudebec, ils avaient alors décidé de sortir du royaume. Le gentilhomme lui avait proposé un passeport signé par M. de Guise qui leur permettrait de circuler en sécurité mais il l’avait refusé, ne voulant pas devoir son salut à un criminel.

On leur avait conseillé de partir par Dieppe, où la fureur des assassins avait été tenue en échec par la volonté du gouverneur, Jean de Beauxoncles, seigneur de Sigogne, pourtant catholique.

Trois jours plus tard, ils allaient s’embarquer lorsqu’ils avaient trouvé, errant seule, une petite fille blonde de six ou sept ans nommée Cassandre. Affamée, amaigrie, elle paraissait perdue, mais ses yeux étaient vifs et perçants. Sa mère et ses gens avaient tenté de fuir leur village, dont elle ignorait le nom, mais à Dieppe, ils avaient été pris à partie par un groupe de massacreurs. Cassandre s’était enfuie et, depuis plusieurs jours, elle vivait dans la rue, se cachant et volant sa nourriture. Personne n’avait fait attention à elle tant il y avait de gens qui cherchaient à fuir la France pour l’Angleterre. Qu’étaient devenus ses parents ? Elle l’ignorait. Ce devaient être des gens de qualité, car elle portait une robe en taffetas moiré de valeur. Que deviendrait cette enfant si elle restait seule ? Sans même chercher à répondre à cette question, Philippe de Mornay avait décidé de garder la fillette avec lui. Ils avaient embarqué le soir même. En Angleterre, il avait trouvé une femme pour s’occuper de l’enfant. Le premier soir où celle-ci avait lavé et couché Cassandre, elle avait découvert que la fillette portait un médaillon en forme de cœur, en or et émaux, sous sa robe. La fillette ne voulait pas l’enlever, puis elle avait accepté que M. de Mornay l’examine. Le bijou, d’un demi-pouce de large, était décoré de lys sur fond bleu. Mornay en avait déjà vu d’identique à la cour et il savait qu’il y avait un mécanisme. Sous les yeux effarés de l’enfant, il avait ouvert le médaillon. Mais il n’y avait pas de secret à l’intérieur. Sur les deux faces internes était écrit en minuscules caractères, pourtant bien lisibles :

Mon cœur, si jamais vous m’avez fait cet honneur de m’aimer,

Il faut que vous me le montriez à cette heure.

Que signifiait cette phrase, et pourquoi cette décoration de fleur de lys ? La fillette ne le savait pas. Elle avait toujours porté le bijou en ignorant qu’on pouvait l’ouvrir.

Cassandre n’avait plus quitté Mornay, qu’elle appelait son père, et lui n’avait jamais percé le secret du médaillon.

Aujourd’hui, c’était une jeune femme d’une vingtaine d’années, exubérante, avec un goût prononcé pour la raillerie, un esprit vif, et surtout d’une grande gaîté.

Tout le monde croyait qu’elle était sa fille, sauf sa femme Charlotte, bien sûr, et Caudebec.

Mornay reposa les feuillets qu’il avait écrits. La Saint-Barthélemy hantait toujours ses nuits. Ces hommes jetés des fenêtres, ces femmes désaccoutrées et éventrées avant d’être jetées en Seine, ces enfants pendus. Pourrait-il jamais oublier ? Mais si le destin était cruel, il était aussi ironique, car c’est grâce à ces horreurs qu’il y avait gagné une fille dont il était fier. On gratta à la porte et il fit entrer.

L’intendant de sa maison introduisit deux hommes, deux géants mi-blonds mi-roux aux sourcils épais et au visage velu comme des ours. Sous leur rude manteau de laine épaisse, encore blanc de neige, ils portaient un corselet d’acier avec un gorgerin. Une barbute italienne couvrait leur nuque, des gantelets de maille protégeaient leurs gants de cuir. Leurs bottes étaient ferrées et à leur ceinture pendaient épée et miséricorde[4].

— Hans ? Rudolf ? s’exclama M. de Mornay en les voyant entrer.

Hans et Rudolf étaient des Grisons protestants au service de Scipion Sardini, un banquier lucquois d’une soixantaine d’années auquel Henri de Navarre avait fait appel plusieurs fois pour se faire prêter de l’argent. Sardini était un des quatre grands banquiers italiens de Paris avec Sébastien Zamet, Ludovic da Diaceto et Antoine Gondi, même si les Gondi étaient de moins en moins banquiers puisque le fils aîné d’Antoine, Albert, était maréchal de France, et son frère évêque de Paris.

Comme la plupart de ses compatriotes, Sardini était très proche de Catherine de Médicis. Mornay l’avait rencontré quelquefois, ainsi que son épouse, et il connaissait, comme tout le monde à la cour, le précieux service que l’Italien avait rendu à Catherine de Médicis ; un service assez agréable. Ce n’était un secret pour personne que la reine mère utilisait les charmes de certaines de ses dames d’honneur. Ces filles, que certains appelaient l’escadron volant, et d’autres le haras de putains, étaient chargées de séduire et de pénétrer les desseins des adversaires de leur reine. C’est ainsi que Mlle de Rouet avait longtemps gouverné Antoine de Bourbon, le père de Navarre.

Vingt ans plus tôt, la plus jolie et la plus réputée de ces filles était Isabeau de Limeuil, dont Catherine de Médicis était parente par sa mère. M. de Mornay était trop jeune pour l’avoir connue quand elle était dame d’honneur, mais il se souvenait d’un poème qu’avait écrit Brantôme, qui s’en était épris :

Douce Limeuil, et douces vos façons,

Douce la grâce, et douce la parole,

Et votre œil qui doucement m’affole,

Et fait en moi douces mes passions,

Douce la bouche, et douce la beauté,

Doux le maintien, douce la cruauté.

La parole libre et hardie, Isabeau de Limeuil brillait autant par l’esprit que par sa beauté. Mais la vivacité de ses reparties lui attirait plus d’ennemis que ses charmes ne lui amenaient d’amants. Catherine l’avait choisie pour gagner Louis de Bourbon – le prince de Condé, frère d’Antoine de Bourbon, et certainement le meilleur capitaine des protestants – dans le camp catholique. Condé était alors prisonnier à la cour, depuis qu’il avait été capturé à la bataille de Dreux. La douce Limeuil l’avait séduit et l’avait tant affectionné et beluté qu’il avait accepté de devenir lieutenant général du royaume, et même de se retourner contre l’armée anglaise qu’il avait précédemment fait venir en France. Les caresses de Limeuil l’avaient emporté sur le rigide dogme de Calvin.

Mais Isabeau n’avait pas su se garder de l’enflure de ventre et l’éclat avait été immense lorsqu’elle avait accouché à Dijon[5], quasiment devant la cour. À ce scandale s’en était ajouté un second quand Isabeau avait été accusée d’utiliser des philtres et des poisons pour séduire ou punir ses amants. On l’avait enfermée sous bonne garde au couvent d’Auxonne pour l’interroger, mais le prince de Condé l’avait fait évader.

Car Catherine n’avait pas tout prévu. Non seulement le prince aimait Limeuil, mais elle l’aimait aussi et elle avait demandé son aide. Comme à ce moment-là, Mme de Condé venait de mourir, Isabeau espérait bien devenir la nouvelle princesse. C’était sans compter sur les protestants et la pression terrible qu’ils avaient exercée sur Louis de Bourbon. Coligny, Calvin lui-même, étaient venus le voir. Acculé, il avait finalement choisi comme épouse Mlle de Longueville, une protestante. Cette trahison avait amené la rupture entre les amants.

Mlle de Limeuil, dont le bâtard était mort, était restée seule. Mais malgré sa beauté, personne ne voulait épouser cette femme, espionne, empoisonneuse et ribaude. Elle ne voulait pas entrer au couvent et Catherine de Médicis l’avait finalement proposée à son banquier, Scipion Sardini.

En dépit de leur différence d’âge, ce dernier n’avait guère hésité. Isabeau était belle, elle avait de l’esprit et venait d’une des plus vieilles familles de France ; son grand-père étant vicomte de Tonnerre. Lui n’était qu’un roturier, certes très riche, mais sans aucune position sociale, même si Catherine de Médicis l’avait fait baron de Chaumont. Ce mariage était pour lui une occasion inespérée de s’élever socialement.

Il avait donc rendu sa réputation à Isabeau, comme il se plaisait à le lui dire quand ils se disputaient et qu’elle évoquait l’honneur qu’elle lui avait fait en lui donnant son nom. Réputé pour ses querelles au début de leur mariage, le couple avait pourtant tenu. Ils avaient eu deux filles et deux garçons, et Isabeau prenait désormais à cœur les affaires de son époux qui lui accordait toute sa confiance.

Bien que très fidèle au roi – et peut-être à cause de cette fidélité – Scipion avait été un des premiers à écrire à Henri de Navarre après la mort du duc d’Anjou. C’était justement Hans et Rudolf qui avaient porté la lettre à Nérac, où se trouvait la cour du Béarnais. Le banquier avait écrit à Henri qu’il le reconnaîtrait comme le futur roi de France si Henri III n’avait pas d’enfant. C’était une des premières allégeances de financier, une des plus importantes aussi, compte tenu de la richesse et de la personnalité de Sardini.

— Entrez vous réchauffer, mes amis, proposa Mornay aux deux Suisses, en se forçant à réfréner sa curiosité.

Lui-même arrivait de Paris. Pour être là maintenant, les deux hommes avaient donc dû partir juste après lui. Sans doute portaient-ils quelque urgente nouvelle !

Hans s’approcha du feu et ôta l’un de ses gants ferrés, faisant apparaître une main aux jointures calleuses. Il défit ensuite entièrement son manteau et Rudolf, qui s’était aussi déganté, détacha la cuirasse de son compagnon fixée dans son dos par des crochets. Hans put ainsi atteindre son pourpoint de buffle, et fouilla dans sa chemise pour sortir une lettre cachetée qu’il tendit à Philippe de Mornay.

— C’est pour Mgr de Navarre ? demanda-t-il.

— Non, monsieur, c’est pour vous, déclara le Suisse avec un accent marqué.

Mornay regarda la lettre, on y avait écrit :

À Philippe de Mornay, surintendant de la maison de Mgr Henri de Navarre.

— Vous arrivez de Paris ?

— Oui, monsieur.

— J’en viens moi-même. Je suis arrivé il y a deux jours…

— Nous le savons, monsieur. À Paris, M. Sardini souhaitait vous voir mais, quand il a cherché à vous rencontrer, vous veniez de partir. Nous avons tenté de vous rattraper mais nous n’avons pas dû prendre le même chemin que vous. Nous sommes allés jusqu’à Nérac, puis revenus ici, sans débotter.

Mornay avait mis près d’un mois pour revenir de la capitale. Ceux-là avaient mis moins de temps pour aller à Nérac et revenir à Figeac, en plein hiver, avec des routes infestées de brigands. Ils avaient dû passer un mois éprouvant !

— Vous allez prendre du repos. Votre voyage a dû être difficile.

— C’est vrai, monsieur. Le mauvais temps, les loups et les brigands nous ont retardés. La guerre et la misère sont partout.

Mornay les dévisagea un instant avant d’opiner. Les deux colosses avaient dû connaître bien des aventures. C’étaient des brutes farouches, sauvages, aux muscles puissants et au front bestial. Ceux qui s’étaient attaqués à eux, loups ou brigands, avaient dû regretter leur imprudence. Il fit sauter le cachet de cire de la lettre avec la dague qu’il portait à sa ceinture, puis il s’installa dans l’embrasure d’une fenêtre pour la lire à la chiche lumière du jour.

Quelles que soient les raisons des guerres, la profondeur des haines entre les belligérants, la sauvagerie des combats, les financiers seront toujours indispensables pour payer les troupes et mettre la picorée à l’abri, songea-t-il, quand il eut terminé sa lecture.

Que devait-il faire de cette lettre ? En parler au baron de Rosny ou attendre Henri de Bourbon qui devait arriver d’un jour à l’autre ? À moins qu’il ne décide de régler le problème lui-même. En tant que surintendant de la maison de Navarre, il était en droit de le faire.

Dehors, les cliquetis des lames s’intensifiaient.

— Nous allons descendre aux cuisines, proposa-t-il aux Suisses. Nous avons des difficultés pour nous approvisionner, les paysans ne veulent plus rien nous vendre, mais vous trouverez quand même de quoi vous rassasier. Vous pourrez loger au-dessus, il y a un bouge inoccupé où il reste une paillasse. Le cabinet n’est pas chauffé, mais cela a un avantage : le froid tue la vermine !

— Nous avons l’habitude, monsieur. Aurez-vous un courrier à nous remettre ? Nous devons rentrer au plus vite. Nous partirons demain.

— Peut-être…

Il parcourut encore la lettre du regard avant de la glisser dans son pourpoint :

— Suivez-moi, ordonna-t-il, en prenant son manteau posé sur une des coussièges de fenêtre.

Les rapines du Duc de Guise
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